Géographe de formation, depuis une quinzaine d’années Emmanuel Ruben emmène ses lecteurs sur les routes de l’Europe ou sur les bords de la Méditerranée, voyages pour lesquels on prend souvent le train (Halte à Yalta 2010, Terminus Schengen 2018), ou que l’on fait parfois à vélo (Sur la route du Danube 2019).
Géographe et écrivain, Emmanuel Ruben s’est créé un double ; Samuel Vidouble, qu’on retrouve dans son dernier roman Malville, pour lequel Emmanuel Ruben enfourche cette fois les codes du roman d’anticipation pour aborder un thème qui l’inquiète ; le nucléaire.
Pour répondre à notre invitation, Emmanuel a posé son sac d’où il a sorti sa sélection. Une sélection irradiante.
Extraits
Malville
Emmanuel Ruben - 2024 - Stock
En 2036, dans une France gouvernée par l’extrême droite, Samuel Vidouble est confiné dans sa cave à la suite d’un accident nucléaire sur le site de la centrale de Malville à l’ombre de laquelle il vivait enfant. Fascinante et monstrueuse, la centrale cristallise les disputes familiales et les luttes politiques des années 80. (…)
Alternant roman d’apprentissage et d’anticipation, Malville explore cette France péri-urbaine, ainsi que les conséquences sanitaires et environnementales de nos « choix » énergétiques qui bouleversent irrémédiablement notre rapport au monde, à la terre et au vivant.
« J’ai grandi dans un milieu pro-nucléaire puisque mon père travaillait dans une centrale. Dans mon livre j’ai utilisé le nucléaire comme une métaphore du fascisme, parce qu’on voit bien que l’extrême droite est très, très pro-nucléaire et qu’elle en a fait un cheval de bataille. C’est un livre aussi sur ce mythe Français de l’indépendance énergétique qu’il est très difficile d’ébranler. » Emmanuel Ruben
L’Âge atomique
Collectif - Du 11 octobre 2024 au 09 février 2025 - Musée d'Art Moderne de Paris
« Cette exposition revient sur ce que l’âge atomique fait à l’art, et comment, en retour, l’art s’est emparé de la fission de l’atome, de la nucléarisation du monde et de ses catastrophes. Il y a des dessins très émouvants d’un artiste japonais témoin du bombardement d’Hiroshima, des choses sur Tchernobyl, d’autres sur Fukushima.
Il y a aussi beaucoup d'œuvres qui montrent la fascination qu’a exercé la fission de l’atome sur les artistes, dont certains qui se déclaraient comme les premiers artistes d’une ère nouvelle, comme Yves Klein qui signe cette lettre sidérante, assez dingue, dans laquelle il explique qu’il est LE peintre de l’âge atomique.
Il y a aussi deux photos de Jürgen Nefzger, à la fin de l’exposition, dont une avec un pêcheur au premier plan qui illustre la cohabitation toxique entre les usagers du fleuve et l’industrie nucléaire. »
The River
Bruce Springsteen - 1980 - CBS
« Ce choix, c’est principalement parce que mon livre se passe au bord du Rhône. « The River » est une chanson qui m’accompagne et dont j’ai même du mal à parler. Dans sa chanson la rivière est toujours là, et Springsteen parvient à en saisir le rythme. »
La Centrale
Elisabeth Filhol - 2010 - Folio
« La Centrale est un livre qui parle du quotidien de ces travailleurs du nucléaire qui sont en première ligne, ces fantassins du nucléaire qui nettoient les cuves en prenant souvent des doses de radiation importantes, qui doivent parfois se mettre en retrait mais qu’on rappelle quand leur taux de radiation est redescendu. Ce sont des sous-traitants d’EDF qui ne prend jamais le risque d’envoyer son propre personnel.
C’est un livre très intéressant sur ces travailleurs qui vivent dans des caravanes, ces nomades du nucléaire qui vont d’une centrale à l’autre. Le livre a été adapté au cinéma par Rébecca Zlotowski dans Grand Central, avec Tahar Rahim et Léa Seydoux dans les rôles principaux. »
Hiroshima est partout
Günther Anders - 1995 - Seuil
« C’est un essai passionnant, en trois parties, dans lequel on trouve notamment la correspondance de Günther Anders avec Claude Eatherly qui était le chef-pilote de l’avion météo qui accompagnait le B-29 qui largua la bombe sur Hiroshima.
Comme Oppenheimer, Claude Eatherly regrettera toute sa vie d’avoir participé à cette mission. Günther Anders échangera avec lui dans l’idée qu’il faut parler avec les bourreaux (Günther Anders est aussi l’auteur de Nous, fils d’Eichmann), qu’il ne faut pas le laisser seul à être rongé par la culpabilité parce qu’on est tous coupables.
Pour lui, il n’y a pas de différence entre le nucléaire civile et le nucléaire militaire, et Truman savait très bien ce qu’il faisait quand il a bombardé Hiroshima et Nagasaki. On peut penser à l’hypocrisie qui règne aujourd’hui autour de la question iranienne, ou aux bombardements autour de la centrale de Zaporijia par l’armée russe. On pas loin de revenir à l’époque des Docteur Folamour. »